la Fondation andré forestier pour l'art contemporain


Mindy Yan Miller

voir et ne pas voir (seeing and not seeing)
[et autres œuvres récentes]
10 novembre – 12 décembre 2021 à Produit Rien, Montréal

La pratique d’installations, de sculptures et d’œuvres performatives de Mindy Yan Miller examine le labeur, l’identité, la perte et la marchandisation et tire sa source de l’intervention sur des matériaux éloquents combinée à des actions répétitives et à la fabrication de motifs. Elle a travaillé avec des vêtements usagés, du tissu fondu, des cheveux humains, des canettes de Coca-Cola, et, pour cette exposition, des peaux de vache. Ce travail fait partie d’un nouveau corpus dont les peaux constituent la matière première. Les cuirs de vaches produits industriellement sont au fondement du processus de travail de Yan Miller et comprennent la coupe, le rasage, la perforation ainsi que d’autres interventions de l’ordre de la fabrication de motifs, en des œuvres d’art qui sont présentées frontalement (pièces murales suspendues) et horizontalement (pièces de table).

L’ouvrage intitulé seeing and not seeing (voir et ne pas voir) est une rencontre à la fois avec la nature et avec la manipulation humaine de celle-ci (qu’on pourrait appeler « design du monde »), sous forme d’industrie alimentaire, dont elles sont un sous-produit. Rien de plus évocateur de la « nature » pour les humains que les animaux avec lesquels nous partageons l’espace, qui existent à notre échelle, et dont le style de mouvement est biologiquement et neurologiquement si proche du nôtre. Les peaux animales comme forme aplatie, dérivée de (l’expression de) l’entière forme vivante, sont des figures les plus primitives de la fabrication humaine d’images que l’on puisse imaginer : dessins au trait de la chasse de subsistance préhistorique en tant que proto-art ou pratique proto-rituelle. Ces manifestations très contemporaines de « sens matériel » constituent un engagement envers l’idée de nature dans une ère d’intense co-fragilité environnementale ainsi qu’envers la phase finale de la culture coloniale. Autrement dit : elles parlent des interrogations fondamentales d’une Amérique en crise.

Depuis l’avènement de la télévision, nous regardons des émissions sur les animaux. Elles ont été inventées à l’ère où les Américains dominaient le monde et nous les regardons encore à l’ère où la nature elle-même semble être en danger pour cette même raison. Nous consommons des animaux et sommes en même temps fasciné·e·s par leurs mouvements et leur comportement expressifs, auxquels nous nous identifions, à la fois tellement semblables à nous d’un point de vue neurologique, et si différents. Quoi de plus normal ? Pourtant, c’est aussi le symptôme d’une crise radicale, peut-être explicitement cachée par le lien primal qui nous unit à ces corps vivants et en mouvement. L’an dernier, durant la pandémie, les usines de conditionnement des viandes d’Amérique du Nord furent le théâtre d’un sommet de cas de Covid. Dans ces usines, des travailleur·euse·s migrant·e·s sous contrat, des réfugié·e·s ainsi que des récent·e·s immigrant·e·s sont en première ligne, pour nous nourrir, alors que nous pouvons nous dissocier de ce processus. S’il ne s’agit pas d’esclavage moderne, peut-être détournons-nous ainsi les yeux du prix viscéral et flagrant de nos existences confortables. Est-ce trop demander aux œuvres de cette exposition que de répondre précisément à cela ? Évidemment, la réponse sera encore une fois affirmative. J’en suis désolé. Cependant, les œuvres de seeing and not seeing font un tri bien particulier du quotidien : ce qui est vu et ce qui ne l’est pas. Ces peaux sont une surface inséparable entre (ou est-ce de ?) la nature et la culture : une membrane que les gestes attentifs et laborieux du processus artistique de refaçonnage de Yan Miller cherchent à rendre perceptible. Ils composent avec cet état de fait et constituent les gestes-répétition destinés à le refaçonner. (Andrew Forster, commissaire)


D'AUTRES IDÉES

Essai du commissaire Andrew Forster Voir et ne pas voir la nature ESSAI

Conversation avec l'artiste par Amber Andersen INTERVIEW

Biographie: Le travail de Mindy Yan Miller est exposé partout au Canada depuis le milieu des années 80, notamment à Mercer Union, YYZ, Optica, B-312, La Centrale, la Art Gallery of Alberta, la Southern Alberta Art Gallery, Latitude 53, la Stride Gallery, la Dunlop Art Gallery, au Moose Jaw Museum et au Western Development Museum (Saskatchewan). Sur la scène internationale, elle a exposé à Art in General (New York), Hallwalls (Buffalo), Artspace (Raleigh, C.N.), W139 (Amsterdam), la Galerie Schleifmuhlgasse (Vienne), Artforum (Berlin) et la Universidad Iberioamericana (Mexico). Auparavant très impliquée dans le milieu artistique montréalais, elle vit désormais avec sa famille à Saskatoon. Elle revient régulièrement à Montréal pour enseigner au programme Fibres et pratiques matérielles de l’Université Concordia.

La participation de Mindy Yan Miller à cette exposition est financée par l’Université Concordia grâce à une bourse de perfectionnement professionnel de l’APTPUC. La production de l'œuvre «
seeing and not seeing » a reçu le soutien du Conseil des Arts du Canada.


Mindy Yan Miller : seeing and not seeing [et autres œuvres récentes]

10 novembre - 12 décember 2021 à Produit Rien, Montréal

Horaire : samedi et dimanche 12 h 30 – 17 h ou sur rendez-vous
Address : Produit Rien, 6909, rue Marconi, Montréal, QC H2S 3K2 (lien vers googlemaps)
Métro : Beaubien / de Castelneau Bus : 55 (St-Laurent) 92 (Jean-Talon)


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